(Octobre 2002)
A quoi bon dessiner, puisqu’on a inventé la photo, l’impressionnisme et l’art abstrait?
Parce que le dessin est ce qui permet d’échapper au flou artistique.
Parce que le dessin est une discipline intellectuelle, un exercice critique, l’art de la discrimination.
Une ligne tracée sur le papier, – une ligne franche, pas un gribouillis hésitant -, dit à chaque moment: ceci est et cela n’est pas, ceci est ainsi et cela est autrement, ceci est du même et cela est de l’autre, de ce côté-ci il y a de la chair et de ce côté-là il y a de l’air, et sous cette peau voici où se trouve la colonne vertébrale.
Il faut trancher, et de préférence trancher vite. Aller à l’essentiel, montrer ceci, ignorer cela.
Ce n’est pas pour rien que les premiers dessins que nous ayons retrouvés sont ceux des chasseurs. On « attrape » un visage, une attitude, une expression.
Le dessin est parent du tir instinctif. Une discipline intellectuelle? N’est-ce pas plutôt un art martial?
Un dessin lent qui privilégie la précision n’est qu’une technique descriptive; son outil principal est la gomme.
Un dessin qui allie la justesse à la vivacité est le fruit d’une multitude de choix souvent plus rapides que la conscience. Il révèle le souffle de son auteur et donne ainsi de la vie au papier.
(Novembre 2014)
Je viens de retrouver ce bout de texte.
L’âge m’a rendu moins péremptoire. Suis-je encore d’accord avec ce que j’ai écrit il y a douze ans?
Dans une large mesure, mais j’ai oublié de dire l’essentiel: le jeu, le plaisir.